Définir Kipling serait restreindre un génie qui, par la surabondance de sa richesse, déborde les limites où on le prétendrait enfermer. Pourtant deux vocations dominent en lui toutes les autres : d’abord un attrait invincible vers toutes les intensités de la vie, ensuite une incomparable aptitude à découvrir en ces intensités, fut-ce les plus éclatantes, leurs forces jusque-là inaperçues. Ce génie devait être comme aspiré par la puissance de cyclone où tourne depuis quatre ans le monde. Si toute guerre est une tension de l’énergie humaine, nulle guerre n’avait encore exigé de cette énergie un effort aussi démesuré, universel, surhumain. Kipling s’est trouvé d’instinct à la place d’où cet effort lui apparaîtrait avec le plus d’étendue et de puissance. Parmi les États, aucun ne mettait au jeu de la destinée autant que la Grande-Bretagne. Par cela seul qu’elle s’était engagée, elle engageait l’univers : outre sa métropole d’Europe, ses grands réservoirs de force, les sociétés grandissantes du Canada, de l’Australie, de l’Afrique, l’Inde antique et toujours jeune de fécondité. Les diverses parties du monde, le passé et l’avenir collaboraient pour maintenir à l’Angleterre son empire présent. Elle, rien que pour assurer la communication entre ses domaines, avait dû s’acquérir la liberté, donc la maîtrise des mers. Elle, parmi les autres peuples, qui se levaient d’une seule contrée et venaient combattre sur une seule, apparaissait multiple et douée d’ubiquité.
Dans la lutte mondiale, choisir, comme la plus digne d’attention, la guerre soutenue par les Anglais, était donc une préférence justifiable aux yeux d’un observateur impartial ; d’un écrivain de génie.
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