La cuisine médiévale est un monde que nous avons perdu. De ses saveurs, de ses odeurs, de ses couleurs, nous ne savons que ce que nous en disent des réceptaires conservés en grand nombre. Souvent évoqués mais mal connus, ils attendent encore d'être scrutés et disséqués par les historiens de l'alimentation. A condition toutefois qu'on sache en reconnaître les intentions, les usages et les limites. C'est autour de 1300 qu'apparaissent simultanément, du Danemark à l'Italie, les premiers livres de cuisine de l'Occident chrétien. Conçus par des maîtres-queux au service de grands princes, ces brefs mémentos s'adressent d'abord aux maîtres d'hôtel. Mais, tout au long des XIVe et XVe siècles, les copies se multiplient et de nouveaux recueils prennent le relais, ouverts aux spécialités régionales, aux modes de l'instant ou aux goûts de lecteurs plus modestes. Souvent uniques, perpétuellement mouvants, ils ne s'en rattachent pas moins à des modèles, à des traditions qui méritent un débrouillement scrupuleux. De ce point de vue, le Viandier constitue le parangon de la littérature culinaire médiévale. Attribué par ses contemporains à un cuisinier royal, Guillaume Tirel dit Taillevent, il fut un véritable best-seller, prolongé par l'impression jusqu'en plein XVIIe siècle. Mais la cuisine d'exception dont il témoigne n'avait pas toujours vocation à être mise en œuvre. Lu et rêvé au moins autant que pratiqué, le livre de cuisine, tout comme aujourd'hui, passait sans cesse de la table à la bibliothèque.
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