Les jeunes ne se nourrissent pas que de pizzas et de hamburgers. Ils développent un système culinaire, «alternatif», qui participe de leur identité de génération. Enfants du gloubiboulga, des cornichons au chocolat, autant de manières de faire des essais culinaires en l'absence des parents, enfants de ces femmes prises entre une volonté de se désinvestir des tâches ménagères et une volonté de garder une compétence de cuisinière (qui reste encore le symbole du rôle de femme et de mère), enfants qui restent chez leurs parents à l'âge où les générations précédentes étaient déjà «installées», ces jeunes des années 90 (les 20-30 ans) intègrent un interdit, celui de préparer les plats centraux (à base de viande ou de poisson), et développent les pratiques périphériques de la cuisine, pour les forger en système culinaire. Ces pratiques et ces représentations culinaires entrent dans un système plus large, la polyvalence, qui se définit comme un rapport aux objets, aux espaces, à l'alimentation, aux autres, fondé sur la fusion, le mélange, le refus de la spécialisation et des normes fixes.
La cuisine est alors le révélateur de la constitution d'une génération, qui tente de renverser les contraintes (d'espace, de revenus, de temps) en souplesse, les dépendances (parentales) en autonomisation.
La cuisine est également le moyen pour le chercheur de dépasser les discours sur la déstructuration alimentaire, pour montrer comment une génération utilise la notion de sain et de malsain, de bon et de mauvais, de plaisir et de risque, pour transgresser les règles des aînés, pour se construire une identité spécifique.
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