Cette intégrale des lettres autorisées par Marguerite
Yourcenar, de la publication de Mémoires d'Hadrien (1951)
jusqu'à 1956, accompagne ce premier chef-d'oeuvre par rapport
auquel «mes livres précédents seront évalués à l'avenir...
et qui représentent le travail de toute une vie».
Elles montrent l'écrivain aussi attentif au processus de
publication qu'au processus de création, dans la gestion
infatigable de son oeuvre. Émerge de cette correspondance
une Yourcenar peu connue, qui conseille, proteste, légifère,
attaque, revendique, se défend, défend les autres, se fait
avocate, procureur, comptable, iconographe, correctrice,
traductrice et, surtout, admirable critique et interprète de
son oeuvre propre. «Le reproche de poli, d'achevé dans le
style quand on l'accouple au terme "ouvrage de dame" me
fait bondir, nullement parce qu'il s'agit de l'oeuvre d'une
femme mais parce que le dédain du "fini parfait, de la perfection
pure" obtenus ou cherchés dans le style, vous permettraient
de mettre Racine ou Praxitèle au niveau du
point d'Irlande.»
Et pourtant ces documents où l'auteur de Mémoires
d'Hadrien quitte le peplum et se laisse aller à l'humeur du
quotidien, jusque dans certain relâchement d'expression,
dissiperont bien des idées reçues sur cet esprit libre et son
humour parfois décapant : «Le respect d'un texte est une
forme de respect de la vérité», écrit-elle à Alexis Curvers.
C'est le même souci d'exactitude qui a inspiré les éditeurs de
cette correspondance dans l'établissement et l'annotation de
ces lettres. Des lettres où progressivement le laboratoire de
Mémoires d'Hadrien s'ouvre sur la refonte d'une oeuvre
ancienne, antichambre de L'oeuvre au Noir.
É. D.-J. et M. S.
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