(...) Moi, ce que je commence par aimer chez Budin, c'est la texture de son trait. Dès que ça part, ça ne convient déjà plus pour une illustration du petit Larousse illustré : ça vit, ça bouge, ça crie, ça chatouille, ça change d'épaisseur aux endroits inattendus, on se demande (comme avec le dessin de la page 63) si ça va être abstrait ou concret, et puis la tension se résout. Et on accepte, on adhère, on approuve et enfin, on adore.
Notre époque, boulimique d'images, a fini par les décrier - séquelle de la télé ? - dans un rapport d'amour-haine très caractéristique de certains comportements religieux. On finirait par en oublier ce que l'image, si vite et avec si peu de moyens parfois, nous apprend. Comment elle nous fait apercevoir en un instant ce dont de longs discours ne permettent même pas de donner une approximation. Napoléon a dit au moins une chose impérissable à ce sujet.
Et voilà ce que j'aime chez Budin. Son livre (et son talent) ne nous renseigne à première vue que modérément sur l'art, l'histoire et le pourquoi de Miles Davis. Le minimum est qu'on sache au moins ça sur le Picasso de la musique. Mais sur l'art et la vie du très pictogénique Miles, les dessins de Budin nous offrent peut-être autant d'intuitions et d'informations - même si elles sont d'une nature différente - que les plus incontournables ouvrages de longues écritures qui lui ont été consacrés (notamment les bibles que sont les livres de Ian Carr, de Jack Chambers et de Miles lui-même - son autobiographie -).
Marc Moulin (extrait de la Pré-face A)
(...) Miles. Et Yves Budin. Budin plays Miles - comme on disait Miles plays Bird, Miles plays Gil Evans ou, la plupart du temps, Miles plays Miles. On disait aussi, de Louis Armstrong, de Lester Young ou de Chet Baker (de Louis, de Lester, de Chet) qu'ils jouaient comme ils chantaient, et retour. De même, le dessin et le texte d'Yves Budin résonnent au même diapason ; celui, écorché et fin de nuit d'un dealer de spleen et de lumière noire : à l'image de Miles finalement. CQFD. Je laisse aux spécialistes de la BD le soin de vanter le trait, l'encrage et le reste. Je dis simplement, pour ma part (et pour la part du bleu - un must pour un spécialiste du black and white maculé de rouge) que ce portrait plein de bruit, de fureur rentrée et de silence débordant, apporte, aux antipodes du merchandising ambiant, un supplément d'âme à la paralittérature milesienne et à la paralittérature jazzique en général. (...)
Jean-Pol Schroeder (extrait de la Pré-face B (alternate take)
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