On a jusqu’ici ignoré la fonction essentielle impartie après la Seconde Guerre mondiale au mémorable?: notre intérêt exclusif pour les écrits de l’intime nous la cache. Sont ici examinées dans un premier temps trois figures à travers lesquelles le mémorable a pris forme après la Libération?: le militant avec Victor Serge, le dirigeant avec le général de Gaulle et l’intellectuel avec Simone de Beauvoir. Il en a néanmoins résulté, de la part d’écrivains, une hostilité manifeste à l’égard d’un genre autrefois dominant. Une deuxième partie du présent ouvrage est consacrée à ces manifestations d’animosité?: stratégique, de la part de Céline retournant l’arme des Mémoires contre les détenteurs de mémoire officielle, ou de principe en ce qui concerne Jean-Paul Sartre et Louis Aragon se refusant l’un et l’autre à l’injonction mémoriale, tout en y répondant de manière détournée. Brandi ou refusé, le genre des Vies mémorables a fait preuve d’une extraordinaire adaptabilité?: la partie finale porte sur les récits de désaveu d’anciens militants communistes, le retour discret des Mémoires feints, en particulier grâce aux Bienveillantes de Jonathan Littell, enfin le recours chez Daniel Cordier au journal factice afin de combler la distance qui sépare tout récit mémorial des faits vécus.
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