Le traité de Versailles (1783), préparé par Vergennes, constitue la plus belle réussite politique de l'Ancien Régime à son couchant. Non contente d'affaiblir l'Angleterre, la France porte un coup d'arrêt à la domination de la Royal Navy sur les mers et impose en Europe un équilibre des forces qui lui est très favorable. Le royaume est à son apogée et jouit alors d'un grand moment de prestige. Cette gloire, c'est à Vergennes que le roi Louis XVI et le royaume la doivent.
Avec ses origines provinciales, son atavisme protestant, sa formation de juriste, son train de vie modeste, sa force de travail et son insensibilité aux modes, Vergennes est un non-conformiste. Peu soucieux de « faire sa Cour » à Versailles, il est d'abord un diplomate de terrain et occupe plusieurs grands postes. Dévoué seulement aux institutions de la monarchie, il prend des positions courageuses et sert sans états d'âme en ne répugnant pas aux basses oeuvres (ambassadeur à Stockholm, il prête la main à un coup d'État pro-français). C'est un grand novateur. À l'hégémonie, il préfère le concept d'« équilibre des forces », s'appuie sur le «droit public» et estime que les traités de commerce facilitent les relations internationales. De sa nomination aux Affaires étrangères en 1774 jusqu'à sa mort en 1787, il est la « solidité » de Louis XVI en exerçant sur lui une influence sans guère de partage. Mais si, en politique extérieure, il le délivre de son indécision pathologique, l'autorité du roi sera trop faible pour qu'il réussisse à réformer la monarchie.
Revisitée par un grand diplomate, documentée par de nouvelles sources d'archives, éclairée par les travaux de chercheurs britanniques (nombreux à s'être intéressés à ce ministre), cette biographie donne à Vergennes sa vraie place dans l'Histoire et constitue bien davantage qu'une réhabilitation : une révélation.
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