Le protagoniste de Pétersbourg est un tout jeune homme, Zakhari Mirkin. Ce héros est seul : «Tout le monde avait l'air de se rendre à une grande fête à laquelle Zakhari n'était pas convié.». Il sera seul jusqu'à la fin où, rencontrant les autres, il se rencontre lui-même... Ce jeune homme évanescent, hors-jeu, irresponsable, s'incarne peu à peu : il rejoint, fût-ce en payant le prix fort, surmontant son orgueil de classe, le monde réel, celui où l'on n'ignore pas ce qu'est la faim. Un jour, enfin, viendra où le gagnera un vrai sentiment d'appartenance. Schalom Asch, alors, quittera pour un temps les évocations individuelles pour peindre, en termes épiques, les «masses», comme le ferait un grand peintre expressionniste. Les manifestations ouvrières du 1er Mai à Varsovie, sous les bannières des drapeaux rouges, constituent probablement l'acmé de cette écriture qui sait soudain se faire violente, rejoignant les pages les plus saisissantes d'un Zola. Mirkin est, comme dirait Georg Lukacs, un personnage «problématique», contradictoire. D'où, pour nous lecteurs, son intérêt romanesque et notre possible identification : Mirkin est pris entre le romantisme d'une action aux motivations à lui-même obscures et son souci sincère de rejoindre les autres dans une lutte commune.
Henri Raczymow
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