Comment penser l’être ou la nature indépendamment de la figure de l’ordre ou du monde ? On pourrait caractériser par cette question le défi philosophique de Giordano Bruno. On sait qu’il conduit à une cosmologie infinitiste qui en constitue le versant le plus spectaculaire et le mieux connu. Le travail qui est ici présenté propose une autre voie, centrée autour de la pensée de l’« être un et infini » élaborée par Bruno dans le De la causa, qui constitue le noyau théorique de sa philosophie. Partant d’une réflexion sur la puissance expressive des concepts philosophiques traditionnels (cause et principe, forme et matière, genre et différence) et rapportant les articulations de la pensée de l’être aux conditions de notre connaissance, et non à une structure propre de l’être, Bruno propose une interprétation « dialectique » du discours métaphysique qui fait procéder les formes d’éminence et d’analogie de l’activité figuratrice de la raison humaine. Si, selon une formule célèbre, le philosophe est un peintre et un poète, cela ne veut pas dire qu’il s’affranchisse des normes rationnelles du discours démonstratif pour se faire prophète, cela signifie que ces règles de la pensée ne constituent en aucun cas une grammaire de l’être : elles sont des instruments de figuration de l’être infini et univoque dont il s’agit de saisir tout à la fois la fécondité et les limites. Il s’agissait au départ de s’interroger sur les nouveaux enjeux de la philosophie de la Renaissance et sur ses pratiques discursives souvent si déroutantes. Ce travail tente ainsi de situer la pensée de Bruno par rapport à la critique humaniste des modi significandi médiévaux et de la conception architectonique de la philosophie, identifiable aussi bien dans le projet de réforme dialectique de Valla, dans le plurilinguisme philosophique de Pic de la Mirandole, que chez des auteurs aussi différents que Ficin ou Pomponazzi.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.