Nous nous retrouvions à la terrasse de l'Excelsior. Tous les soirs. Quinze ans, c'était notre âge.
L'Algérie était encore colonie française, mais la guerre, sous le nom de « pacification », était entrée en scène, balayant le rêve d'Albert Camus d'une union libre entre Algériens et Européens.
La première action de masse du FLN eut lieu le 25 août 1955 à Philippeville, où je suis né. La ville basse est envahie par les habitants des hauteurs, Arabes et Berbères. Encadrés par quelques militants FLN, ils sont armés de faux, faucilles, pioches, haches - rares sont les fusils. Plus de cent Européens sont tués. La répression, menée par le colonel Aussaresses, est terrible : les mitrailleuses abattent sans juge ni procès des milliers de prisonniers dans le stade de la ville.
Je n'ai appris tout cela que plus tard. Ce jour-là, j'étais à trois kilomètres de Philippeville, sur la plage de Stora. Nous ignorions que la guerre avait lieu. La radio, le journal, parlaient de « rebelles ». Mes amis de l'Excelsior étaient aveugles et sourds, comme moi. Le déni régnait.
La mer était si belle, nous étions dans l'ivresse de vivre, et tant pis si tout était faux en Algérie coloniale.
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