Le personnage principal de ce roman violent, tendu, énigmatique, plein
d'un humour cruel, est un éditeur parisien. Un homme apparemment paisible.
Il ne l'est pas.
À la toute jeune femme qui lui apporte le manuscrit de son premier
roman, l'éditeur au bord de la faillite, prêt à tout pour sauver sa maison,
répond que les lecteurs préfèrent les enquêtes sur des faits divers bien sordides
et surtout les confessions de vedettes, évoquant de préférence des drames de
viol et d'inceste.
Elle voudrait lui laisser son manuscrit, il le refuse. «Je le lirai peut-être
un jour, dit-il, si vous me faites un livre bref, avec repérage sur le terrain,
sur un meurtre célèbre en Haute-Savoie.» Géraldine le hait, mais si elle ne
feint pas de s'accommoder au goût de ce petit industriel du papier, elle
n'aura guère d'autre ouverture vers une publication. Géraldine construit
un piège. Oui, elle va faire une enquête, mais sur l'éditeur. Le centre de cette
action clandestine sera Senlis où celui-ci possède une vieille ferme transformée
en forteresse. La jeune femme fait parler les voisins. Elle utilise la
méthode conseillée par l'éditeur pour entrer dans un univers secret. Elle fait
alors irruption dans un monde de ténèbres. Comprendra-t-elle à temps qu'il
vaut mieux avoir la vie sauve qu'être publiée ?
On peut évoquer une atmosphère à la Hitchcock, sinon à la Brian de Palma.
Peut-être. Mais le monde noir et inquiétant de Christine Arnothy est éclairé
par des éclats de rire. Ce roman passionnant s'adresse à un public avide
d'évasion qui peut aussi se faire, grâce à ce miroir grossissant, une idée d'un
certain milieu littéraire parisien.
Sûre de son destin d'écrivain, Géraldine traverse la jungle de l'édition.
L'époque décrite n'est pas glorieuse, mais peut être ici et là étonnamment pure,
ne fût-ce que pour quelques secondes. Le temps de reprendre son souffle,
pour continuer à lire.
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