Une traînée de sang sur le mur de l'entrée : pour Maria Poniatowski,
employée modèle de Mrs. Ellison depuis un demi-siècle, c'est la prémonition
d'une fin. Elle pressent que la sénilité de la vieille dame presque
aveugle est sans retour. Leur relation aussi étroite qu'orageuse touche à
sa fin. Privée du regard de Mrs. Ellison qui donnait un sens à sa vie,
Maria contemple son propre passé pareil à un miroir brisé. Que retenir
de ce passé ? Peut-être l'élan d'autrefois, lorsqu'elle fuyait une Europe
en proie au nazisme et à la guerre. Alors, bousculant enfin son existence
canadienne trop rangée, elle va faire profiter Mrs. Ellison de ce renouveau.
Aux échos flaubertiens de cette histoire simple d'un coeur simple, Les
chasseurs répond par la confession d'une «âme fêlée». Cette voix américaine,
cultivée, mais anonyme et asexuée, raconte sa descente aux enfers
le temps d'un été, au sortir d'une rupture amoureuse, dans l'isolement
d'un appartement londonien où une étrange voisine, auxiliaire de vie
pour vieillards invalides qui décèdent à un rythme soutenu, apparaît
comme une figure maléfique. Mais qui est la proie, qui le chasseur, dans
ce récit obsessionnel ?
Aussi complémentaires que les volets d'un diptyque, les deux courts
romans de Claire Messud illustrent avec une concision virtuose et poignante
la difficulté à composer avec la mort.
F. C.-P.
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