Jeanne Lobre, la grand-mère qui a élevé Annie Miller, n'était
ni gentille ni douce. Elle n'aimait pas les «fricassées de museaux»,
mais quel caractère ! Quelle vitalité ! Quelle liberté ! Aucun
respect des conventions. Toute sa vie, elle n'en a fait qu'à sa tête,
traversant les épreuves sans une plainte.
Née dans le Nord en 1900, à onze ans elle chante dans les cafés
pour rapporter du pain à la maison, à quinze ans elle devient la
«bonne amie» d'un officier de l'armée allemande qui occupe
son village. En 1920, après la guerre, elle se met en ménage à
Paris avec un saxophoniste de jazz noir américain, H. D. Perkins,
dont elle aura deux enfants.
La dernière partie de sa vie paraît plus rangée, mais il ne faut
pas s'y fier. Jeanne se plaît dans le désordre, elle a besoin d'affrontements.
Avec son parler populaire, elle dit ce qu'elle pense.
Les Miller habitent l'immeuble mitoyen de sa petite maison, à
Montreuil-sous-Bois. Claude épousera Annie. Il fera jouer Jeanne
dans ses films, la présentera à François Truffaut et Robert Bresson.
Devenir actrice à soixante-huit ans ne l'impressionnera pas plus
que le reste.
Portrait sur le vif d'une femme plus extraordinaire qu'un
personnage de roman, le livre d'Annie Miller, illustré par des
photographies, fait revivre un monde où Français et immigrés,
prolétaires et artistes se mélangeaient. Une vie à la saveur forte,
inoubliable.
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