« La dernière lumière se dissipa. Elle s'était dissoute non pas dans la ténèbre mais pour un bref instant dans le vide. Une nuit douce et fragile vint remplir le vaste gouffre où flottaient, à mi-hauteur des collines, des bancs de brumes bleues, De loin en loin, un coup de canon éclatait mais il ne faisait plus partie de la bataille, on avait l'impression que l'obus s'était coincé dans la culasse - soit mauvaise qualité de la poudre, soit que les délicats organes de la bombarde fussent rouilles - et qu'un soldat un peu ahuri avait secoué l'engin pour le mettre à feu - à moins que le coup n'ait été tiré longtemps avant, au cours d'une autre guerre, pourquoi pas, que le bruit n'en ait été retardé indûment. On voyait s'élever dans la vallée assombrie de grosses boules blanches, vaporeuses, qui montaient tout droit avec des grâces de montgolfières. Dans la plaine, quelques feux s'allumèrent à l'abri des étables et des métairies, Les soldats, gros comme des insectes, se promenaient dans ces espèces de lampions, ils avaient fini leur journée. Ils rentraient chez eux pour manger un morceau, et pour préparer leurs outils, réviser leurs escopettes et leurs Winchesters qui avaient si ardemment fonctionné toute la journées. »
Sur cet étrange théâtre d'opérations, deux soldats recherchent inlassablement leur unité perdue, Tout un symbole...
La guerre qui les a emportés comme deux fétus de paille est elle-même semblable à un brouillard informe, sans commencement ni fin, De quelle guerre s'agit-il d'ailleurs ? Les repères temporels semblent s'être, eux aussi, complètement effacés...
Réédition d'une rareté de Gilles Lapouge, avec une préface de Christophe Mercier.
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