Nous étions deux ou trois ans après mai 68.
On m'annonçait que le roman était mort,
ce qui n'était pas la meilleure nouvelle quand
on se promettait de devenir écrivain.
La solution de remplacement ? Le texte, rien
que le texte. Mais à la réflexion, il y avait une autre
mort qui était passée inaperçue : celle, brutale,
de mon père. Est-ce que de cette mort du roman,
on ne pourrait pas faire le roman de la mort ?
Le roman du mort ? Vingt ans plus tard, j'apportai
à l'éditeur le manuscrit qui glissait cette disparition
d'un homme de quarante et un ans au milieu
des massacres de la Première Guerre. L'éditeur
s'alarma d'une autre disparition, celle du narrateur.
Au bilan du siècle, il convenait de rajouter
deux victimes collatérales : le roman et moi.
J. R.
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