Dans le clair-obscur des crises politiques naissent les monstres. Les meurtres de masse de DAESH nous aveuglent sur leur signification politique. Ils naissent du vide culturel d’un monde politique sans esprit, d’un monde où les techniques sont devenues folles, d’un monde qui se nourrit des surenchères de la haine et du désespoir. Ils sont les rejetons d’un monde en décomposition culturelle.
Le terrorisme rationnel des machines et des algorithmes, la marchandisation de la culture, du soin et de l’éducation, tendent à priver les citoyens et les peuples de leurs passés comme de leurs avenirs. Grandes sont alors les tentations de renouer avec les racismes et les populismes nationaux, tribaux ou religieux. Faute d’avoir l’audace de se reconnaître comme Peuples, les populations se laissent, parfois, séduire par les tribuns du désespoir et de la haine. Ce sont les « soupirs » des créatures opprimées d’un monde nihiliste.
Le politique est en panne, il est en panne d’imagination autant que de courage. Il a pris le teint gris et résigné des marchés auxquels il s’est asservi. Dans ce monde de papier où règnent les chiffres et les abstractions, rien ne vit, rien de désire, sauf les passions tristes de la haine et de l’oppression. Les fascismes émergent de ces idéologies meurtrières et exténuées. Ils la barbouillent aux sombres couleurs d’un autre âge, la rythme aux chants des morts qui recouvrent les sirènes, toujours incertaines et imprévisibles, de l’amour et de la création.
Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui, face à la prolétarisation généralisée de l’existence les peuples ne se sont montrés affamés de nouvelles forces symboliques, de nouvelles fictions, pour vivre, désirer et rêver ensemble. Un message d’espoir parcourt l’ouvrage, au cœur de cette hégémonie culturelle désastreuse, et des crimes de masse qu’elle favorise, l’attente d’un nouveau pacte d’humanité s’exprime. Il exige d’abord et avant tout, de réconcilier la politique et la culture, de sortir du « siècle de la peur », de renouer avec l’expérience sensible, d’empêcher ensemble que le monde se défasse, de « donner une forme à son destin ».
C’est à la politique, guidée par le souffle de l’art, de se saisir de ce désir d’émancipation, sans trop tarder, pour éviter la tragédie qui s’annonce.
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