Dans la lutte entre les chrétiens de Terre sainte et les musulmans
conduits par Nûr ad-Dîn, puis Saladin, Renaud de Châtillon,
prince d'Antioche puis seigneur d'Outre-Jourdain, un nouveau
venu, est un «héros» paradoxal. Sa méconnaissance d'un Orient
complexe et sa brutalité lui aliènent des soutiens habituels.
Prisonnier dans Alep pendant quinze ans, il rumine sa haine de
l'Islam. Libéré, devenu conseiller du prince, maître des grandes
routes commerciales, il pousse la hardiesse jusqu'à lancer une
expédition terrestre et navale contre La Mecque. L'émotion, dans
le monde musulman, est profonde et durable. Artisan de l'élection
de Guy de Lusignan, un homme neuf lui aussi, comme roi de
Jérusalem, il le pousse à en découdre avec Saladin. Au soir de la
bataille de Hattîn, le 4 juillet 1187, le sultan l'exécute de sa main.
Les chroniques décrivent un cadet de famille venu du Gâtinais
tenter ses chances en Orient. Par deux fois, il épouse une «héritière»
- un moyen d'ascension sociale fort commun au XIIe siècle -, au
nom de qui il exerce un pouvoir considérable. Elles évoquent
aussi un homme brave entre tous, téméraire, exalté, qui incarne à
la perfection l'idéal de chevalerie imaginé par Bernard de
Clairvaux : «S'il meurt, c'est pour son bien, s'il tue, c'est pour le
Christ». Bien des contemporains l'ont perçu ainsi. Il importait de
dégager de cette figure emblématique ce qu'elle pouvait recéler
d'exemplarité, mais aussi de fanatisme, voire de germes pervers.
Fort d'une connaissance intime des sources occidentales
comme orientales, Pierre Aubé scrute avec acuité, mais sans
complaisance, les traces d'un croisé trop méconnu, dont la mort
coïncide avec celle d'un rêve démesuré.
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