Au commencement était le Rythme. C'est fort
de cette intuition, à la longue credo ou postulat
devenue, que s'imposa à moi l'idée, que le véritable
auteur de mes livres était mon corps (Corpus scripti), mes
facultés mentales ne lui étant que d'un secours subalterne.
D'où ma conviction qui si ma vie a un sens, il ne peut être
que le fruit d'une ivresse verbale érotisée par je ne sais quel
muscle ou organe dionysiaque en posture de danseur, entre
mon gros colon et les quatre vents qui composent l'essentiel
de ma respiration. De ma langue ingambe je suis le possédé
permanent, ses articulations et désarticulations fournissent à
mes brouillons une grande partie de leur teneur en entorses
plus signifiantes que leurs aplombs. Ce ne serait pas le
capharnaüm illisible et disgracieux que les esthètes à la petite
semaine croient qu'il est. Par exemple, leur désespoir de
n'être pas une Amazonie ne manque pas d'humour. Il lui
arrive d'éclater de rire à l'écoute d'un de mes borborygmes
ou à la vue d'une de mes rétentions de fulgurance. N'est-ce
pas la musique des mots elle-même qui à coups de sonorités
pétulantes rédigea naguère en ces termes ma propre épitaphe :
«Je suis heureux pour la première fois de ma mort.»
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