Le couvent dominicain de la Tourette, au-dessus de L'Arbresle, près de Lyon, est le
seul couvent que Le Corbusier ait construit. En 1961, quand paraît ce livre aujourd'hui
réédité, l'édifice est juste achevé : les dallages ne sont pas posés, l'église n'a pas reçu ses
stalles ni les terrasses leurs prairies, et l'ensemble est d'une blancheur qui a quelque peu
passé. Le lecteur retrouve à l'état neuf, avec une qualité d'images guère égalée depuis,
une oeuvre des plus marquantes de ce temps.
Ce livre est aussi un recueil de documents : traces du face-à-face de Le Corbusier et
du Père Couturier où, d'une amitié, naît ce projet, croquis du premier jour et maquette
de travail, extraits du journal de chantier et photos de la construction, propos de
l'architecte pris sur le vif lors de ses entretiens avec les frères... On y trouve encore les
images d'un monde disparu : les rites et les coutumes qui marquaient alors, dans une
communauté dominicaine, la prière et l'étude, la vie commune et le silence, ces fondements
permanents de la vie des Frères Prêcheurs : bref, le portrait de ceux pour qui ce
couvent fut bâti, ce qui permet d'en comprendre pleinement l'architecture. Et l'on voit
se tisser de subtiles correspondances entre ce monde austère et joyeux et «le jeu savant,
correct et magnifique des volumes assemblés sous la lumière», selon la définition
corbuséenne de l'architecture.
Images du passé, dans un couvent toujours bien vivant. Les dominicains des années
90 ne se prosternent plus en chape devant l'autel, mais la prière rythme encore leurs
journées ; ils ne mangent plus en silence, mais font table commune avec leurs hôtes. Le
«studium» où les jeunes frères passaient sept ans sans guère sortir a ouvert ses portes :
architectes du monde entier, artistes, touristes, groupes les plus divers, chrétiens ou
autres en quête d'expérience et de réflexion dans l'Espace spirituel ou le Centre
Albert-le-Grand, chercheurs et praticiens des sciences humaines dans les débats du
Centre Thomas-More, Latino-Américains à l'Espace Barthélémy de Las Casas, sont
accueillis tour à tour dans une architecture qui n'a rien perdu de sa force et où, passé
le choc de la première rencontre, il fait beau vivre.
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