Il se pourrait qu’une vie ne se dise qu’à partir du moment où l’on a dit les autres. Et peut-être s’est-on ainsi davantage révélé qu’en racontant les frasques d’une existence – voire tous ses hauts faits.
Composer un autoportrait, aujourd’hui, ce pourrait donc bien être abandonner le « Je », et s’essayer à sentir ce qu’il reste une fois qu’on l’a laissé de côté. Assumer que soi, c’est d’abord les autres, et que la lentille de perception des autres pourrait bien être le moi. Non pas tant le récit, mais l’exposition des relations : assumer que l’on existe essentiellement dans les interstices, et non dans l’affirmation brutale d’une parole.
C’est ainsi qu’il faut vivre. En assumant ce caractère liquide, il devient possible de se réinventer sans cesse, de croire toujours au miracle qui surviendra le lendemain. Le Je, c’est le texte qui fait glisser les figures les unes vers les autres et les unit, alors que, sans le texte, sans le Je, rien ne les aurait réunies. Tel est le miracle des rencontres.
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