Entre mi-mai et début juillet 1944, des centaines de milliers de Juifs de Hongrie sont déportés à Auschwitz-Birkenau. Pour montrer à leur hiérarchie la « bonne mise en oeuvre » de cette opération logistique d'envergure, des SS photographient les étapes qui mènent de l'arrivée des convois jusqu'au seuil des chambres à gaz, ou au camp pour la minorité qui échappa à la mort immédiate. Ces photographies, connues sous le nom d'» Album d'Auschwitz », ont été retrouvées par une rescapée, Lili Jacob, à la libération des camps, avant de servir de preuves dans différents procès et de faire l'objet de plusieurs éditions. Certaines de ces photographies sont même devenues iconiques. Par-delà l'horreur dont elles témoignent, ces images restent pourtant méconnues et difficiles d'interprétation. Ce livre permet d'y jeter un regard neuf. Préfacé par Serge Klarsfeld, fruit de cinq années de recherches franco-allemandes, il analyse l'album dans ses multiples dimensions. Pour quelle raison a-t-il été réalisé et quand ? Comment a-t-il été constitué ? Que peut-on voir, ou ne pas voir, sur ces photographies ?
Trois historiens reconnus et spécialistes de la persécution des Juifs d'Europe, Tal Bruttmann, Stefan Hördler, Christoph Kreutzmüller, ont mené une remarquable enquête, recomposant les séries de photographies, analysant des détails passés inaperçus, permettant un travail d'identification et de chronologie inédit. Dans le même temps, c'est une véritable réflexion sur l'usage des images et de la photographie, de leur violence potentielle mais aussi de leur force de témoignage et de preuve que les historiens proposent. Ce faisant, ils élargissent la connaissance tout en redonnant vie, mouvement et dignité aux personnes photographiées quelques minutes avant une mort dont elles n'avaient pas idée.
« Scruter les images qui composent l'album pour y reconnaître des lieux, des vêtements, des visages surtout : le procédé est tout à la fois simple, difficile et redoutablement efficace. Simple parce qu'a priori à la portée de tous : il suffit d'observer à la loupe - « nulle sorcellerie méthodologique » dans ce travail, écrivent les auteurs en introduction, « mais un oeil méticuleux ». Difficile parce qu'il demande de la patience - 192 des 197 images qui composaient l'album original sont analysées -, un grand sens du détail et surtout une connaissance fine du complexe concentrationnaire - sa topographie, ses routines, son histoire évidemment dont, au premier chef, celle du « programme Hongrie » du printemps 1944. Efficace enfin, parce que le procédé opère une synthèse rarement réussie : celle d'émouvoir ou de bouleverser tout en produisant de la connaissance ou, plus exactement encore, celle de faire de l'histoire en provoquant de l'émotion. »
Nicolas Mariot
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