Tuilages est un livre unique dans l'histoire de l'histoire de l'art : échappant aux règles de la discipline, ce n'est ni un livre de Mémoires ni un récit, mais un genre d'autoportrait en mouvement démultiplié, librement inspiré d'auteurs chers à l'écrivain, sur le thème du regard sur autrui et sur soi comme manière d'être au monde.
D'abord historienne, Svetlana Alpers a le goût des « fenêtres sur les toits » qui ouvrent des perspectives inattendues et réécrivent les vies qu'on a cru vivre. Dès lors, on ne s'étonnera pas que ce soient les hasards de la vie qui servent de déclic aux méditations en zigzags. Fille du prix Nobel d'économie Wassily Leontief et de la poétesse Estelle Leontief, elle cultive les effets d'optique pour livrer un autoportrait en creux qui en dit plus long sur les autres que sur soi. L'ouvrage est en même temps un tombeau à la mémoire d'un autre historien d'art - Michael Baxandall -, sans doute l'un des plus grands depuis Panofsky. Dans la déclinaison savoureuse des regards sur le monde (les choses, les tableaux, les livres, la cuisine, les rues, d'un continent à l'autre), les allusions au regard sur l'absent et au regard de l'absent peuvent se lire comme la justification de toute une vie consacrée au regard « à distance ». À ce titre, Tuilages est le livre d'une vie et restera l'un des documents les plus singuliers sur la construction du regard et sa psychologie.
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