Dans ce bref ouvrage de 1918, Leo Spitzer (1887-1960) déploie une critique ravageuse de la politique de « nettoyage linguistique » anglophobe et francophobe promue par l'Allgemeiner Deutscher Sprachverein [Association générale de la langue allemande] au cours de la première guerre mondiale.
Les trois premières parties de cet essai placé sous le signe de la sémantique comparée examinent la multitude de propositions de « germanisation » du vocabulaire allemand faites par l'Association. Leo Spitzer les tourne en ridicule et montre qu'elles appauvrissent cette langue fière de la diversité de ses dialectes et de ses registres, tant en Autriche qu'en Allemagne. Mais c'est dans la quatrième partie qu'il se déchaîne, transformant une étude universitaire en un brûlot dénonçant le lien entre « la traque des mots étrangers » et une xénophobie exacerbée par la guerre. « La haine des mots étrangers est liée à la haine nationale », conclut-il. Quant à cette Association qui entend rendre la langue allemande à la fois « pure » et « patriotique », ce n'est pas une société savante, mais un instrument de propagande pangermaniste. On retrouve ici la verve pamphlétaire et pacifiste d'un Karl Kraus face à l'élite belliciste viennoise.
Leo Spitzer reste peu connu du public francophone. Seuls trois de ses ouvrages ont été précédemment traduits : Études de style en 1970 (avec une introduction de Jean Starobinski), Études sur le style - Analyses de textes littéraires français (1918-1931) en 2009, traduit par Jean-Jacques Briu, et L'Harmonie du monde en 2010. Traque des mots étrangers, haine des peuples étrangers fait à juste titre connaître lui Spitzer juvénile et pamphlétaire.
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