Il est interdit à quiconque, sous peine de graves sanctions, de déflorer à ses amis l'intrigue de ce livre. On ira donc ici avec précaution...
D'abord, à l'attention de ceux qui pourraient prendre Trahisons pour un recueil de nouvelles : ce livre est bien un roman. Oh, certes, un roman dans la manière de l'auteur du Quinconce - tout en fausses pistes, fausses portes et fausses barbes (mais les cadavres et les crimes sont vrais). Plusieurs histoires, et les personnages eux-mêmes, ont l'air de s'égarer, mais c'est pour mieux se retrouver (au chapitre VII) ; et pour mieux se trahir - à tous les sens que l'on voudra bien donner à ce mot.
Quatre voyageurs réunis dans un train sont mêlés à un crime que chacun d'eux a peut-être de bonnes raisons d'avoir commis... Un professeur invente une nouvelle théorie de la fiction, mais ses élèves doivent s'engager par écrit à ne rien divulguer des découvertes du maître... La rédaction d'une biographie vaut à un curieux de se retrouver égorgé... Un homme politique plagie à ses heures perdues les œuvres d'autrui, et commet pour s'en sortir un assassinat maladroit... Moralité de tout cela : on n'est jamais si bien trahi que par soi-même.
On l'aura compris, Trahisons, roman-miroir, roman-scorpion, est une invitation au vertige. Roman farci de culture aussi : toute l'Angleterre de la Belle-Epoque semble s'y être donné rendez-vous par figures mythiques interposées - Sherlock Holmes, Oscar Wilde, Jack l'Eventreur. Horreur et dérision y dansent une sarabande inquiétante. Mais la virtuosité de l'auteur n'a rien d'un exercice de style. Le lecteur, captivé comme si Alfred Hitchcock lui-même le tenait par la main, tremble, rit, jouit. Et, le livre refermé, un soupçon lui vient : tout cela n'est-il pas aussi, par-delà la mascarade de la fiction, une photographie plausible, exacte peut-être, de ce que nous nous entêtons à appeler réalité ?
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