En dehors de Pascal en France, c'est surtout en Allemagne que tragique et tristesse ont été mis en rapport avant que leur distinction soit largement développée par Walter Benjamin dans son livre sur le drame baroque.
L'opposition faite par Benjamin entre le Trauerspiel et la tragédie peut être interprétée comme l'aboutissement et l'achèvement d'une distinction courante dans la philosophie allemande depuis Hegel entre le "tragique" (antique) et le "triste" de la modernité (romantique). Si ces deux termes ne sont pas ressentis en français comme formant un couple de concepts, il n'en va pas de même dans la philosophie et l'esthétique allemandes, où ils apparaissent régulièrement ensemble, exprimant soit une différence de degré (Hegel, Simmel), soit de nature (Nietzsche, Ziegler), soit enfin un rapport de polarité (Benjamin) et où se jouent des rapports différents avec le mythe et l'histoire. C'est un des grands mérites de Benjamin que d'avoir saisi cette polarité entre le tragique et le triste, qui n'avait jamais été formulée explicitement avant lui, et de l'avoir élevée au rang de théorie dans son opposition entre Trauerspiel et tragédie.
Pour comprendre en profondeur les implications du concept de Trauerspiel introduit par Benjamin, et du concept de tristesse qui lui est lié, il est nécessaire de se replonger dans la tradition allemande, de connaître le milieu philosophique dans lequel Benjamin a fait ses études, en particulier les discussions autour de la philosophie de l'histoire et de la structure du temps au début du XXe siècle. Toute la pensée de Benjamin s'éclaire alors sous un jour nouveau qui permet de mieux saisir le lien entre ses écrits de jeunesse et sa pensée ultérieure.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.