Recueil de chroniques, Tout est culture est inspiré par un
raccourci retrouvé dans la Lettre à tous les Français que
François Mitterrand avait rédigée en guise de programme lors
de la campagne présidentielle de 1988 : «Tout est culture en fin
de compte. Jack Lang avait raison.»
Alors que Malraux s'était contenté de ravaler les façades, le
ministère Lang restera comme celui des années fric-FRAC (Fonds
Régionaux d'Art Contemporain). Qu'importe que l'art vivant ait
alors succombé sous les coups du socialisme puisqu'on lui substitua
l'ingénierie culturelle dont les commissaires et curateurs tentaient
de noyer les échecs patents des politiques économiques et sociales
sous un déluge de bicentenaires (Révolution), de tricentenaires
(Voltaire) et autres transferts de cendres au Panthéon (Malraux).
Délestée de son industrie, la France n'était plus qu'un gigantesque
parc d'attraction qui n'avait plus d'autre capital que son passé.
Disney profitait de cette grande braderie pour se tailler une
enclave équivalente à un cinquième de la surface de Paris.
Mais la comédie du culturel allait bientôt connaître un rebondissement
tragique car dans son arrière-cour, une guerre occultée
faisait des ravages, la guerre civile algérienne. L'islam, qui jadis
passionna nos meilleurs orientalistes, devenait le théâtre d'une
scénographie plus spectaculaire encore, celle du "choc des
civilisations", qui préparait les 11 septembre et les 11 janvier par
la grâce desquels la géopolitique capitule aujourd'hui sous les
coups d'une géopoétique. Finie la récréation française, voici venu
le temps des scénaristes, ceux qui écrivent l'histoire universelle
avant qu'elle ne se fasse.
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