Depuis plusieurs siècles, l'Église en est venue à ne plus avoir que la « garde des âmes », laissant les corps au soin de l'État. Dans la société moderne, la mission du chrétien se cantonnait désormais à « spiritualiser » les structures de la vie politique et publique. Cette mission a été notamment exposée par les partisans de la « chrétienté profane », inspirée par Jacques Maritain. Or, cette théorie n'envisageait guère l'éventualité d'un temps de persécution où il faudrait que l'Église, Corps du Christ, résiste « corporellement » : où des catholiques, fidèles à l'État, puissent être impliqués contre d'autres catholiques, jugés infidèles, comme ce fut le cas au Chili sous le régime de Pinochet.
Résidant au Chili dans les années 1980, William Cavanaugh a été témoin de ce régime de terreur, du caractère « rituel » de la pratique de la torture par l'État, en une simiesque liturgie de mort, et de l'inefficacité de la hiérarchie de l'Église chilienne, formée à l'école de la « chrétienté profane », face à cette persécution menée par des catholiques contre des catholiques au nom de l'État. Revenu aux États-Unis, où il enseigne la théologie, William Cavanaugh a voulu montrer comment, progressivement, l'Église a su faire échec à la politique de mort de la Junte militaire. À la fois témoignage vécu et réflexion théologique, ce livre exceptionnel jette une lumière radicalement nouvelle sur les événements du Chili, sur les impasses d'une certaine ecclésiologie, et sur les défis que va bientôt devoir relever l'Église d'Occident si elle veut retrouver sa place légitime dans la cité des hommes.
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