Depuis les années 1940, la bande dessinée franco-belge a régulièrement stigmatisé la traite des Noirs et l'esclavage colonial. Deux de ses héros les plus fameux ont ainsi affronté, presqu'au même moment, de redoutables négriers : Tintin dans Coke en stock et Spirou dans Le gorille a bonne mine. D'autres aventuriers de papier les avaient précédés, ou les suivent : Jean Valhardi, Marc Dacier, Barbe-Rouge... Et le thème connaîtra une certaine postérité, à travers une série à succès comme « Les passagers du vent », ou encore la récente adaptation d'un roman d'Eugène Sue : Atar Gull.
Mais, selon les époques, l'antiesclavagisme en bande dessinée ne s'appuie pas sur les mêmes fondements idéologiques. Au cours des années 1940-1960, les éditeurs et les auteurs paraissent être influencés par tout un discours de propagande, qui met en avant la « mission civilisatrice et émancipatrice » de la Belgique ou de la France. Maintes vignettes font écho à une imagerie à la fois abolitionniste et paternaliste diffusée depuis la fin du XVIIIe siècle. À partir des années 1980, en revanche, l'antiesclavagisme en cases et en bulles vient puiser ses racines dans l'anticolonialisme, dans une dénonciation des excès de la domination française ou belge...
Au final, cet ouvrage revient sur un pan important de l'histoire de la bande dessinée francophone, mais il permet aussi d'appréhender de manière originale la pensée européenne sur l'asservissement des Africains.
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