Vous vous rappelez ces années inquiètes - c'était l'époque de Dada - où tant de jeunes écrivains se trouvaient partagés entre le défi, le jeu et la détresse. Cette époque, nous étions assez lucides pour la juger, assez faibles pour en souffrir. Un jour, je pris la fuite ; je regagnai le village où chaque année me ramenaient les vacances, qui était mon vrai décor, et plus qu'un décor. Là, dans un grenier, la fenêtre ouverte sur la vallée où s'achevait la fenaison, j'écrivis Terres étrangères. Cela naquit et se développa comme un chant, sans calcul ni grande ambition. Ce que je pouvais y mettre, je m'en rendais mal compte ; je le vois mieux aujourd'hui. J'y mettais ce qu'un jeune écrivain, s'il est sincère, confie à sa première œuvre : son trouble, ses appels, sa fable intime - cette fable tout ensemble exaspérée et chaste. (...) Le garçon de vingt-trois ans qui écrivait ce récit n'est point pour moi un étranger.
M. A. (1923)
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