En dépit des nombreux travaux qui lui ont été consacrés, le
Tristan en prose garde l'image d'un texte désorganisé.
Tout d'abord, le Tristan s'inscrit dans la continuité générique
du Lancelot en prose par l'emploi de l'entrelacement,
cette technique d'agencement du récit systématisée par le
roman modèle ; mais le prosateur du Tristan, piètre technicien,
n'a pas su s'en servir efficacement, l'entrelacement du Tristan
ne fonctionne pas et ne permet en rien de canaliser le flot
bouillonnant des aventures, d'imposer au foisonnement narratif,
consubstantiel au roman en prose, une forme organisatrice.
En second lieu, le Tristan, roman bavard, a multiplié les aventures
afin de singer son volumineux aîné, sans se soucier outre
mesure de leur intérêt, de leur signification ou de leur progression
: aucun principe directeur n'organise leur vaste succession.
Enfin, le prosateur du Tristan, en mal d'inspiration ou
pour donner à son roman une allure cyclique, a intégré en son
sein les influences les plus diverses, et parfois le texte entier
d'autres textes. En lui s'entrecroisent, sous la forme de réminiscences
discrètes ou de transcriptions intégrales, des sources
disparates. On en conclut que le Tristan est un ensemble hétéroclite
de récits parfois allogènes, amassés au hasard de l'écriture,
et qui ne signifie rien.
Ce travail, fondé sur la version longue du roman, s'attache à
la destruction successive de ces trois fondements de la déconsidération
structurelle du Tristan en prose.
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