Ce livre de géographie historique, culturelle et politique traite des recompositions
territoriales et identitaires engagées en Éthiopie depuis la chute de
Mängestu, en 1991.
En décrétant, en 1975, une Réforme agraire radicale, les militaires visaient
plus que la redistribution de la terre, ils faisaient du «temps long table rase».
Ils rompaient avec la territorialisation fondée sur le mythe salomonien : les
Éthiopiens, le Peuple élu, habitent les hautes terres, la Terre sainte. Ayant
reconnu l'égalité entre les cultures et les peuples d'Éthiopie, la Révolution
formait le projet de changer leur répartition et leur habitat de façon à favoriser
leur fusion et l'éclosion d'un peuple «socialiste». Cette nouvelle identité sans
racine, sur un territoire devenu uniforme, brisait les liens séculaires unissant
les populations et leur Terre sainte. Comme les dirigeants de l'Ancien Régime,
les militaires ont sous-estimé les effets de la révolution démographique des
années 1960, échoué dans la lutte contre les famines et perdu, comme lui, le
pouvoir.
Le mythe biblique doit composer avec le réveil des identités «ethniques» et
religieuses régionales et avec la répétition des crises de subsistance. Désormais
découpée en États-régions ethnofédérales, au nom de la démocratie, et amputée
de l'Érythrée, la Terre sainte n'est plus en mesure de nourrir ses enfants,
toujours plus nombreux. Le temps court des événements, de l'actualité défie
l'ordre voulu par Dieu sur les hautes terres.
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