Il y a des photographes qui sont des ludions de la terre. Ils jouent avec la carte du monde comme d'autres jouent avec un plan de métro. Ils vont. Ils viennent. Même s'ils n'utilisent pas l'engin, ils flashent la réalité, l'actualité. Ils l'envoient par email, le choix se fera plus tard. Il y a évidemment d'autres méthodes. Cartier-Bresson disait qu'il fallait passer six mois dans un pays pour en comprendre l'esprit. Quand il arrivait dans un village, en Orient ou ailleurs, Werner Bischoff commençait par dessiner avant de sortir son appareil.
Abbas a une façon de faire différente. La prise de vue, qu'il appelle le moment suspendu, est précédée d'une réflexion sur le propos. Vient ensuite la méditation sur la finalité, sur l'intérêt de l'instant - que d'aucuns disent décisif - sur la qualité de l'image qu'il en a donnée et sur sa mise en perspective.
Les sujets que traite Abbas ? Vastes. Si vastes qu'ils semblent impossibles à dominer. Les religions, l'islam, le monde de la chrétienté. Mais il ne prétend jamais à l'objectivité. Il part au Soudan photographier la guerre, mais de son récit que restera-t il ? Il se passionne pour le chamanisme, mais de ses voyages (en Haïti, au Japon, au Brésil) aussi documenté, aussi informé qu'il soit, aussi familier des hommes qu'il côtoie, c'est une relation personnelle qui fait le prix de cette aventure au pays des esprits, et donc du présent ouvrage.
Il raconte, et fort bien, mais surtout il se raconte. Son oeuvre est un long journal de bord, à double entrée. Les images, fortes, signifiantes, et les mois qu'il leur ajoute et qui donnent à la méditation qu'elles illustrent la dimension du vécu.
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