«André Breton s'étonnait naguère que l'art en France parût
surtout soucieux «de jeter un tapis de fleurs sur un monde
miné», et il remarquait que le problème «n'est plus de savoir
si un tableau tient par exemple dans un champ de blé, mais
bien s'il tient à côté du journal de chaque jour, ouvert et fermé,
qui est une jungle». [...]
L'oeuvre de Webern acquiert un prix particulier du fait qu'elle
est une des très rares de ce temps qui réponde aux exigences
auxquelles nous sommes en droit d'attendre que satisfasse une
oeuvre d'art. Souci d'économie et science du dosage, soumission
à des canons rigoureux, qui n'exclut pas l'aisance avec laquelle
sont apportées aux problèmes techniques des solutions élégantes
(toute technique codifiée n'étant qu'abstraction dépourvue de sens
tant qu'elle reste à l'état de norme figée sur laquelle ne se
greffe rien d'actif), volonté d'invention continue, refus de tout
arbitraire, la beauté plastique venant ici au premier rang des
objectifs poursuivis. On sait que Schoenberg disait de son
disciple qu'il avait su exprimer un roman en un seul soupir.
Laconisme exemplaire, de nos jours où l'inflation verbale, sinon
sonore, est à son comble, et notamment dans le domaine de la
création romanesque où ceux-là mêmes qui sont tenus pour des
maîtres s'abandonnent à un étroit empirisme, faute de considérer
leur art comme la recherche audacieuse de quelque chose d'essentiel
qu'il s'agit de pousser aux limites du possible avec ce maximum
de lucidité et de rigueur qui est précisément le fait de la maîtrise.»
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