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Dans quatorze minutes, je suis dehors, sans argent, et je n’ai plus qu’une cigarette. Il va falloir renflouer les caisses, aller faire la manche. La corvée. Récupérer une quinzaine d’euros : cinq pour les clopes, sept pour ce soir et trois pour demain. Je déteste mendier. Ce n’est pas tant le geste, la position humiliante qui me gêne. Non, ça, on s’y fait, avec le temps. Mais les regards… Mauvaise humeur, haine, pitié écœurante, terreur, tous les sentiments les plus dégueulasses y passent. Ce qui m’atteint le plus, c’est cette indifférence feinte, ce coup d’œil rapide, en coin, avant d’accélérer le pas, cette peur de me regarder dans les yeux, comme un des leurs. À Paris, au cœur de l'hiver, un clochard écrit son journal : il raconte ses journées et ses nuits, les passants indifférents, les humiliations et les petites victoires quotidiennes contre le froid, la faim, contre les autres aussi... Vivre dans la rue est une lutte de tous les instants. Sur le quai de la station Rome où il a ses habitudes, parmi tous les visages qui défilent devant lui et qui ne le voient pas, il remarque celui d'une jeune femme, qu'il se met à guetter tous les jours. Pour le simple plaisir de la voir passer, mais aussi parce qu'elle lui rappelle une troublante violoncelliste qu'il a connue par le passé. Car, à trente-sept ans, cet homme a eu une vie avant d'être SDF... Très actuel, porté par une langue tour à tour crue et poétique, Station Rome est un roman âpre et dense.