Voisine de Troie, la ville de Çanakkale, dans le détroit des Dardanelles, s’illustra depuis le XVIIIe siècle par ses céramiques qui s’exportaient dans tout le Levant. Sous l’influence des fouilles de Schliemann, certains voyageurs s’en entichèrent au point d’y voir les descendantes des poteries homériques. En France, l’engouement pour cet art de terre coïncide avec la revalorisation des faïences traditionnelles après la défaite de 1870, encouragée par le mouvement des Arts & Crafts et par le japonisme : ni Mallarmé, ni Proust n’y furent indifférents. En Grèce et en Turquie, l’artisanat ottoman qui émerveillait Hans Christian Andersen ou Gustave Flaubert symbolise le monde d’avant les événements tragiques de 1922. Lieu de mémoire et catalyseur des passions, cette modeste production rassemble ou divise encore sur les deux rives de la mer Égée, où elle est soumise à une idéologisation de la nostalgie. L’archéologie culturelle est l’objet de cette étude comparatiste qui revendique le mélange des genres, seul apte à appréhender les discours qui ont conditionné l’appropriation, la réception et l’exposition de ce patrimoine.
Docteur en philosophie et lettres de l’ULB, Sophie Basch est professeur de littérature française à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Ses recherches sur l’orientalisme littéraire et artistique et sur la culture fin-de-siècle se situent à la croisée de l’histoire littéraire et de l’histoire de l’art.
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