Je compris aussitôt que ce que j'attendais depuis si longtemps se trouvait là, à portée de main. J'étais certain en effet que le monde, qui se consumait sous l'emprise défaillante de l'amour, devait posséder un noyau vivant d'une plénitude infinie, un point nodal où toute forme de vie puisse refluer pour s'y ressourcer à l'inépuisable lumière de l'astre salvateur, tant il me semblait incontestable que lorsque, jour après jour, je me mêlais à mes semblables et inspirais, avide, le souffle de bonté qui se dégageait d'eux, la force trop souvent contenue de l'amour n'était plus, sur tous ces visages, qu'une ombre vague - le reflet d'une lointaine mais irrésistible splendeur créatrice.
Qu'il s'agisse de ressortissants pris au piège d'une attente insoutenable alors qu'ils s'apprêtent à s'exiler, de la vengeance exercée par un piégeur professionnel à l'encontre de ses concitoyens ou de la fuite d'un homme en supposé danger, l'irrésistible drôlerie du grand prosateur hongrois se révèle toujours aussi percutante. Mais derrière une apparente désinvolture, László Krasznahorkai interroge la nature humaine, les illusions, la perfidie, la trahison, la paranoïa, offrant ici une rhapsodie fantaisiste sous haute tension (et un condensé très maîtrisé des motifs qui traversent l'ensemble de ses écrits) où se répercutent de l'un à l'autre de ces huit mouvements de multiples échos.
Après les récents succès critiques de Thésée universel et de Guerre et Guerre, ce nouveau livre du « maître contemporain d'une apocalypse qui inspire les plus justes comparaisons avec Gogol et Melville » (Susan Sontag) confirme l'importance de son oeuvre, dorénavant reconnue internationalement. Il est traduit du hongrois par Marc Martin.
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