L'écriture des poèmes de Saïd Mohamed s'est-elle assagie? La colère y est moins criée («douce colère quand tu frôles mes lèvres») et les mots s'y emportent moins vers les couleurs déchirées et le quasi mauvais goût (un mauvais goût amer) d'un langage qu'on dira, pour simplifier, populaire. C'est peut-être parce que la phrase et les rythmes de cette écriture sont passés par le filtre d'une prose (plusieurs romans picaresques qu'a publiés Saïd) qui a retenu leur trop plein d'impatience empêtrée dans un bariolage de vie difficile et dérisoire.
Sans doute que les poèmes de Saïd ne sont pas seuls à mettre plein dedans leurs pieds dans la difficulté que c'est vivre et parler le vivre en se saisissant de sa matière la plus populaire. Cela se fait, en général, plus souvent par le roman que par le poème, mais de Villon à Yvar Ch'Vavar, en passant par Gaston Couté, Baudelaire, Perros, William Cliff, ou Verheggen, les «petits fauves de papier» autour du «thème» ne manquent pas. Les poèmes de Saïd me semblent plus bruts de décoffrage que beaucoup d'autres, et moins enclins à jouer avec les mots qui leur viennent (sans toutefois manquer de discernement sur leur désir d'être des poèmes salis par la vie, ni d'un savoir sourire, amertume encore, de leur prétention aussi à frôler des vérités douloureuses). Cela n'empêche pas pour autant que cette parole «s'attache des souvenirs pour s'inventer une trace à sa vie dans la douceur de l'écriture».
James Sacré
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