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Le temps d’un été suspendu, deux enseignants de deux générations différentes échangent des lettres au sujet du roman québécois contemporain. En élisant cet art noble mais un peu oublié de la correspondance, « qui permet de penser en parlant à quelqu’un », comme le précise Michel Biron, les deux épistoliers parviennent à faire de la critique « une chose vivante plutôt que cette espèce d’épouvantable soliloque qu’elle est devenue dans nos innombrables événements “savants” ».
Mais surtout, ils jettent ici un pont au-dessus de l’abîme qui semble séparer les générations d’écrivains et de critiques, et s’attachent à cerner au plus près cette grande révolution des codes et des sensibilités qui bouleverse le champ de la littérature aujourd’hui. Ainsi sont conviés à ce banquet Vicky Gendreau, Nelly Arcan, François Blais, flanqués de Suzanne Jacob, de Réjean Ducharme et de Louis Hamelin, La Comédie humaine y côtoie Harry Potter, Montaigne dialogue avec An Antane Kapesh.
Plus précisément, ici, c’est l’ironie qui tient le rôle de la balle que, de revers croisés en cruels amortis, les épistoliers se renvoient au gré des missives. Véritable basse continue de la fiction depuis la lointaine Révolution tranquille, l’ironie, aujourd’hui, ne rebondit toutefois pas de la même façon. Se pourrait-il que l’ironie de « l’âge de la parole » se distingue de l’ironie de notre « âge de l’institution» par la nature même du code qui est transposé ? Que Ferron, Aquin, Ducharme et Bessette n’ironisent pas sur le même signifiant que Jean-Christophe Réhel, Mathieu Arsenault et Anne Archet ? Qu’ils ironisent sur la culture, oui, mais pas sur la même culture?
Le référent national émoussé, la surprise d’exister enfuie, cette ironie, apparemment libérée, cache, selon l’un des auteurs, une blessure difficile à nommer et relève, selon l’autre, d’un inconfort flou bloquant, faute de drame, la tentative de prendre le monde au sérieux, de sortir du bocal.