Sois sage, c'est la guerre
J'avais quatre ans en 1940. Mes impressions et mes émotions de ce temps-là sont restées intactes dans ma mémoire : celles d'un petit garçon qui - à l'exception de la peur intense ressentie au cours des combats indécis d'août 1944 - traversa la guerre plus qu'il ne la subit. Durant ces cinq années, je ne l'éprouvai que par petites touches : l'exode, la mélodie du brouillage de Radio Londres, l'expression de mon père à l'annonce du bombardement de Pearl Harbor, quelques uniformes allemands, une tache de sang sur le trottoir...
Aussi étrange que cela puisse paraître, une autre chose hante mes souvenirs de ces années noires : le parfum de la vie dans le giron de deux mondes, celui, clérical, du plus profond des bocages français, dans les collines de Normandie, au sud du Cotentin, et, à l'occasion des grandes vacances, celui de l'orée du Perche, moins fervent. Deux mondes différents mais arrimés de la même façon au XIXe siècle par des moeurs et des traditions ancestrales. Deux mondes aujourd'hui disparus.
Me plonger dans ces souvenirs, c'est faire revivre cette France d'autrefois qui, au lendemain du débarquement, ouvrit ses ruines et ses bocages à l'Amérique et à la modernité.
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