En associant la théologie et la poétique, la tradition de Denys l'Aréopagite réfléchit à la nécessité et à l'impossibilité de nommer Dieu. Aux yeux des lecteurs de Denys, particulièrement nombreux parmi les humanistes français, les fictions du discours humain apparaissent comme des "signes dissimilaires", d'autant plus efficaces à servir la quête de la transcendance qu'ils sont monstrueux et ignobles. Les "signes dissimilaires" cristallisent le rêve de la Vérité absolue confronté à la conscience critique des réalités propres à la fiction littéraire, confrontation que la présente étude examine dans la poétique de Marguerite de Navarre, Clément Marot, Ronsard, Guy le Fèvre de la Boderie et Jean Demons. Il importe ici de dessiner l'évolution que subit le principe des "signes dissimilaires" au cours du siècle: l'abandon progressif des ambitions métaphysiques conjugué au sentiment de plus en plus aigu des limites de la littérature. Les orientations diverses que les poètes particuliers imposent à la quête des noms divins transforment peu à peu d'exégèse mystique en rhétorique, d'abord inquiète et prudente, ensuite allègrement destructrice.
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