« Entre Ekaterinbourg et Novossibirsk, presque vingt et
une heure de train, pour atteindre le km 3 343. Ce très
long trajet paraît court, tant le "rêve" sibérien s'y révèle
enfin, terrible, magnifique, au-delà de toute mesure
humaine. Défilé interminable de pins, de mélèzes, de
bouleaux : la taïga, sans qu'on y voie paraître âme qui
vive. Pas de routes, pas de maisons, pas d'humains.
La nature pure, au milieu d'une solitude sans limites. Ce
pourrait être monotone, ce ne l'est jamais. La jouissance
du même, qui n'est jamais tout à fait le même, a quelque
chose d'ensorcelant. On observe d'infimes variations,
dans la taille et dans la couleur des arbres, dans la
courbe des collines, dans le miroitement des rivières
et des lacs, de même qu'en musique les modulations
d'un même thème composent le tissu d'une symphonie.
On n'attend, on ne cherche rien de nouveau, avec cette
conséquence que tout est nouveau à chaque instant et
force à garder les yeux grands ouverts. Le paysage est
d'une beauté si intense qu'il crée le besoin de le regarder
sans cesse. La succession indéfinie de l'identique,
l'impossibilité d'isoler un détail, l'absence totale de pittoresque
plongent dans un envoûtement qui se traduit par
une dépossession de soi-même. Entre contemplation et
hypnose, entre métaphysique et magie, la Sibérie s'offre
et se dérobe, se déploie et s'éclipse, dans un double
mouvement d'offrande et de mystère. »
Dominique Fernandez
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