Quand Walpole invente le mot «sérendipité» en 1754, il évoque
la faculté de découvrir, «par hasard et sagacité», ce que l'on
ne cherchait pas. Aujourd'hui, le terme connaît une vogue croissante
au sens de «découverte par hasard». Mais si cette focalisation
permet d'affirmer la dimension imprévisible et non programmable
de la recherche, l'occultation de la sagacité empêche de saisir ce
que «sérendipité» désigne véritablement, et qui est au coeur de
toute découverte.
Pour comprendre le sens profond du terme, il faut remonter aux contes
orientaux qui ont inspiré Walpole et Voltaire (pour la «méthode de
Zadig»), et lire les romanciers et les savants qui se sont passionnés
pour cette idée. Parmi eux, Balzac et Poe, Freud et Poincaré, Cannon
et Wiener. Tous ont cherché à saisir le fonctionnement de l'esprit
humain quand il est attentif à ce qui le surprend et en propose une
interprétation pertinente, par l'association d'idées, l'imagination,
la réflexivité.
L'étonnante histoire du mot révèle de profonds changements dans
la conception des processus de création, et dans les rapports entre
sciences, littérature et politique. Au terme de l'enquête, ce mot venu
d'un conte ancestral acquiert la puissance d'un concept, porteur
d'enjeux épistémologiques, politiques et humanistes.
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