Le 22 novembre 2002, j'ai eu soixante ans. Le
besoin de disparaître a été plus fort que
tout. En m'éloignant de la maison, j'aurais voulu
effacer de ma mémoire l'amour et le sentiment
maternel. Tout ce qui a gouverné ma vie, raflé
mon temps. Oublier aussi les livres que j'ai écrits.
Oublier les jours, les années à aimer, écrire,
veiller comme la sentinelle que je n'ai jamais
cessé d'être. Comment retrouver la clé d'un
royaume perdu ? Il suffit d'une chambre de
hasard, de la flamme d'une chandelle, d'un
chagrin vieux comme le monde. Écrire devient
le dernier refuge. Le dernier lien. Vieillir. Écrire.
C'est pareil. C'est ramasser le petit bois mort de
la vie pour en faire un livre.
Mais le livre le plus lumineux, ne serait-ce pas
celui dont on laisse les mots défiler sous nos
paupières et qu'on n'écrira jamais ?
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