Les Égyptiens ont-ils inventé la bureaucratie ? Difficile de répondre tant le rituel, les réseaux de patronage et l'oralité devaient jouer un rôle au moins aussi important que les procédures formelles écrites. Ce qui est sûr en revanche, c'est qu'au Nouvel Empire, entre 1500 et 1070 avant Jésus-Christ, l'Egypte prend les dimensions d'un empire. De la Nubie à la Syrie, les ressources à exploiter et à administrer sont immenses. Ce n'est donc pas un hasard si cette époque est aussi celle d'une révolution du statut de l'écrit. Dépositaires du contrôle institutionnel des activités, les scribes occupent le devant de la scène et forment un monde social avec ses valeurs et son discours propres.
Pour dresser l'histoire intégrale de ce milieu et de ces hommes, Chloé Ragazzoli a recours à des sources - archéologiques et textuelles - encore largement inexploitées : les florilèges, ces manuscrits de miscellanées où les scribes faisaient montre de leurs compétences et de leurs savoirs lettrés. Au ras du manuscrit, suivant la main du scribe, l'enquête commence par la manière même d'écrire, à l'encre, sur papyrus, où la variation et la compilation de mémoire jouent un grand rôle. Les scribes s'approprient l'archive lettrée de leur temps et jouent de mille variations pour produire de nouveaux genres littéraires qui nous font voir tant le scribe dissipé que le maître couvert d'honneurs. Le tableau dépeint est celui d'une élite intermédiaire qui seule est à même de mettre en branle et de faire fonctionner la machine politique et étatique. En un mot : comment un savoir lettré tient un empire, et plus encore, sa mémoire.
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