L'idée d'un dépassement de soi-même, aujourd'hui si courante, est liée,
historiquement, à l'avènement de la modernité. La pensée antique, toute
marquée par la notion de finalité naturelle et enfermée dans un monde
clos, ne la connaît pas. Pour l'astronomie, la physique, la médecine, pour
l'histoire des gymnastiques et dans le culte du héros «sportif», prédomine
l'idée d'une nature pourvoyeuse d'ordre et de normes ; elle interdit celle
d'un progrès indéfini.
Il faut attendre les bouleversements scientifiques des XVIe et XVIIe siècles,
le passage à l'idée d'univers infini, l'invention du sujet cartésien pour
que puisse apparaître l'ambition d'une perfectibilité sans limites. Alors
s'affirment dans l'élan des Lumières la liberté humaine face à la nature, la
confiance dans l'amélioration toujours possible des performances et dans
les techniques qui la permettent, l'éducation et la médecine.
Le sport de haut niveau apparaît aujourd'hui comme le laboratoire
expérimental de ce dépassement de soi, devenu l'emblème de notre idéologie
contemporaine. Au-delà de la question classique sur les fins de l'exercice
physique - s'accomplir ou se dépasser ? -, il est le révélateur des
conséquences paroxystiques de ce culte et de cette obsession de la performance.
À travers le dopage, à travers les manipulations génétiques, il pose
le problème de fond sur l'évolution des sociétés contemporaines et sur le
rapport, chez l'homme d'aujourd'hui, de la culture et de la nature. Quel
est cet humain tout entier soumis à l'impératif idéologique et technique du
dépassement de soi ?
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