Le rythme a été l'un des modèles formels les plus discutés par les sciences
sociales et par la philosophie entre les années 1890 et les années 1940,
période pendant laquelle il a servi à penser l'organisation d'un monde
en perpétuelle métamorphose. Il a subi ensuite une éclipse au profit
des notions de structure et de système, qui l'ont fait disparaître de
la conscience scientifique.
À travers une étude minutieuse de textes allant de la sociologie et
de l'anthropologie à la théorie des médias et à la poétique en passant par
la psychanalyse et la psychologie sociale, Pascal Michon reconstitue
la généalogie complexe de cette notion et montre en quoi elle nous est
à nouveau nécessaire pour penser les nouvelles formes d'individuation et
de pouvoir qui viennent de surgir avec la mondialisation.
Quel que soit l'étage à partir duquel il est observé - individu, famille, groupes
intermédiaires, publics, entreprises, États-nations ou encore Empire -,
notre monde est en effet présenté, dans les multiples descriptions réticulaires
qu'il suscite, comme un lieu où les individus psychiques et collectifs
apparaissent comme autant de remous fugaces dans les grands brassages
permanents du marché et de l'information. Or, cette fluidité n'est pas totale :
d'une part, il existe encore dans cet océan un certain nombre de rocs
relativement stables qu'il serait bien téméraire de négliger ; de nombreuses
résistances se font jour, qui épaississent et ralentissent les courants qui
le parcourent. De l'autre - et c'est là un point capital -, ces constellations,
ces réseaux et ces flux se meuvent suivant des rythmes descriptibles dans
lesquels se cachent aujourd'hui les nouvelles formes de pouvoir.
Ce sont ces rythmes qu'il nous faut comprendre, décrire et critiquer,
si nous voulons avoir prise sur le monde et l'Empire fluides.
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