En 1960, alors qu'il effectue son service militaire
en Algérie, Marc Garanger photographie les femmes
algériennes qui crient leur douleur, leur haine et
l'absurdité du conflit. Ces photographies lui valent le
Prix Niepce, le «Goncourt» des photographes. Il choisit
alors de franchir le rideau de fer. D'abord la
Tchécoslovaquie puis, dès 1967, l'URSS où il ne cesse de
retourner. Année après année il parcourt, toujours plus
à l'Est, presque toutes les républiques, puis la Russie,
jusqu'en Yakoutie en Sibérie orientale, à la rencontre des
hommes et de leurs cultures. De ces voyages initiatiques,
il publie Regards vers l'Est (1992), Carnets sibériens (1993)
et Taïga, terres de chamans (1997). Parallèlement, il sillonne
le monde, inlassablement, et ses photos paraissent dans
la presse internationale.
Couronné par de nombreux prix, dont le Prix de
la Société de Géographie (1997), Marc Garanger est
également auteur-réalisateur de films documentaires et
participe régulièrement à des expositions, tant en
Europe qu'aux États-Unis.
Quand, en 1967, Marc Garanger choisit de franchir le rideau de fer
et de pénétrer en URSS, le monde vit les grandes heures de la guerre
froide. Pour l'Occident, l'Empire russe semble un bloc monolithique.
Fermé. Inconnu. Terrifiant. Pour Garanger, c'est une partie de la terre
qui s'entrouvre. Et par-delà les multiples frontières, l'immensité des
paysages, c'est l'histoire de quelques centaines de millions d'hommes,
leurs passions, leurs mystères, qu'il va tenter de partager. Dans les pires
difficultés politiques, financières et climatiques, il déjoue pas à pas,
année après année, têtu et généreux comme un paysan, tous les pièges
qui lui sont tendus.
Rejetant violemment l'exotisme, Marc Garanger marche sans trêve
sur le fil ténu du quotidien : témoigner, laisser parler les visages. Ici
comme ailleurs les mêmes passions, les mêmes rires, le laminage du
labeur. Partageant le pain des ouvriers des sovkhozes, la tête d'agneau
bouillie des nomades kirghizes, ou le foie de cheval cru et congelé des
chamans yakoutes, il entend une petite phrase, la même, à chaque pas,
question sublime issue d'une terre de la démesure et d'hommes au
destin si tragique : «Mon âme souffre, la nostalgie me ronge et me
dévore, et vous ?» Et nous la renvoie dans ce livre.
«Ce diable d'homme, comme le nomme si bien Jean Dieuzaide, ne
s'arrête pas pour autant. Ce bonhomme à la carrure de Viking et à l'allure
de grand gosse, au rire qui fuse à tout bout de champ [...], dissimule
mal une certaine naïveté. Son aventure restera vraisemblablement un
des grands moments de l'histoire de la photographie.»
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