Dans la France de la première moitié du XVIIIe siècle, cadre de l’avènement de la « science nouvelle » de la production et de la distribution des richesses, Rousseau critique l’économie politique. Sa critique vise le socle théorique commun à des courants de pensée divergents (mercantilistes, partisans du luxe ou Physiocrates), soit en des termes plus contemporains, le primat accordé à la croissance sur la justice.
À cet égard, Rousseau est un lucide interprète des dangers de la société concurrentielle. Il a su voir que l’économie politique naissante reposait sur de folles illusions – l’illusion du caractère naturel de l’intérêt, l’illusion de la transparence de la médiation monétaire, l’illusion des contrats « volontaires » entre individus inégaux, l’illusion, enfin, de l’harmonisation des intérêts dans la société marchande. Après Mandeville, Locke et Montesquieu, Rousseau a saisi l’évolution de la société commerçante. Il a combattu, à sa façon, le mythe de la « main invisible », auquel il entend substituer la « main visible » de la République. Le prophète des mystifications de l’économie politique a su faire entendre sa voix, et la Révolution française lui donnera un écho inédit. Marx, en ce sens, doit faire amende honorable : plus qu’une belle âme égarée au pays de l’utopie, l’auteur du second Discours a proposé une critique de l’économie politique dont nous pouvons encore tirer profit.
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