Après la Seconde Guerre mondiale, la France connaît sous l'impulsion
des États-Unis une période de modernisation brutale et massive qui
provoque d'importants changements sociaux et culturels. En une
dizaine d'années (1955-1965), la société de consommation envahit la vie
quotidienne et prétend défaire les inégalités. Mais quels en furent les
effets véritables ?
Avec un humour et un recul salutaire, Kristin Ross interroge la place
accordée aux icônes de l'époque - l'automobile, l'hygiène, les biens de
consommation standardisés -, ainsi que les types sociaux et représentations
- l'«homme nouveau», le cadre dynamique, le couple moderne, le
culte de l'efficacité...
Pour penser ce nouveau modèle culturel, l'auteur met à contribution le
cinéma de Tati, Demy et Godard, les écrits de Fanon, Barthes, Debord
et Lefebvre, les romans de Sagan, Robbe-Grillet, Beauvoir, Triolet, ou
Perec, mais aussi l'idéologie de L'Express et de Elle.
Elle montre que la France des années soixante ne peut être appréhendée
qu'en maintenant le parallèle entre deux histoires, celle de la modernisation
et celle de la décolonisation, et en soulignant leurs tensions spécifiques
: celles d'un pays dominant/dominé, exploitant des populations
coloniales au moment même où il se trouve amené à collaborer ou fusionner
avec le capitalisme américain. Le colonialisme extérieur se convertit
alors en «colonisation de la vie quotidienne». K. Ross établit un autre
parallèle, audacieux, entre l'Algérie et le culte de l'hygiène, la pratique de
la torture et l'industrie rationalisée.
Finalement, quel fut le prix réel de notre modernisation ?
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