En 1914, alors qu'il est déjà l'homme de lettres
habitué à donner des conférences, Llewelyn Powys s'embarque
pour l'Afrique orientale britannique (l'actuel Kenya),
où il va vivre pendant cinq ans. Chargé de la surveillance
des fermes, d'abord celle de son frère Théodore, qui sera
mobilisé durant son séjour pour aller combattre les troupes
coloniales allemandes, puis celle du Grand Rift, où paissent
10 000 têtes de bétail, Llewelyn va vivre une expérience
qui le marquera à jamais «dans sa chair», et qu'il restituera
par la suite dans Ébène et Ivoire, puis Rire noir, restés
inédits à ce jour. Rien ne manque au tableau de cette Afrique
sauvage et de son âpre violence, la loi de la nature se
doublant de la présence de l'homme qui, loin de la pondérer,
en accroît la brutalité : l'économie de pantation fondée
sur l'exploitation de la main d'oeuvre «indigène» (Swahili,
Kikuyu, Masaï), les scènes de chasse en brousse, le cycle de
la vie et de la mort qui est «le rythme même de l'Afrique»,
sans oublier l'impitoyable galerie de coloniaux (dont un
collectionneur de crânes humains) auxquels l'apprentifermier,
abandonnant tout préjugé, finit par préférer l'ami
masaï. L'omniprésence de la mort n'enlève rien à la splendeur
des paysages ni aux ombres et lumières du «damier»
africain que le regard de l'homme blanc, si profond soit-il,
ne peut sonder. Chez Llewelyn Powys, l'Afrique est, bien plus
qu'une expérience physique, une expérience métaphysique.
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